Daniel Soula, Psychotherapie corporelle Aix en Provence, vous explique sur la dépression ...
Dans ma pratique, le mot crise n’est pas réellement adapté. Je vous propose d’aborder ce sujet plus comme une étape de transition qui peut prendre l’apparence d’une dépression. C’est l’indication que nous abordons le dernier tiers de notre existence ! On pourrait la comparer à la naissance, ce passage pour notre incarnation, ou celle de l’adolescence qui va aussi impacter le restant de notre existence.
Cette période peut prendre l’aspect d’une crise pour certaines personnes, avec des remises en question parfois violentes entrainant des dommages collatéraux souvent très douloureux pour l’entourage familial. Une sorte de tsunami, pouvant aller jusqu’au suicide : faire voler en éclats ce qui a été construit. Pour une grande majorité d’individus, c’est une période vécue en silence avec en filigrane, le spectre de la dépression. Il peut s’ensuivre chez les hommes une sorte de déni, tandis que pour les femmes l’horloge biologique de la préménopause impact de façon plus visible cette sorte de mal-être. Ce processus de bouleversement intérieur, que l’on pourrait presque qualifier de naturel, intervient autour de 45 ans jusqu’à 55 ans, même si certains événements de la vie (deuil, perte d’emploi, maladie, divorce…), peuvent l’accélérer, voir le renforcé. Je vois lors de mes consultations que ce mal-être fait appelle, en arrière-plan, à une quête de sens. Le temps d’être exclusivement tourné vers l’extérieur, de trouver son existence dans le regard des autres, de se construire un statut social n’est plus l’alpha et l’oméga de nos préoccupations. L’apparition de cette confusion psychique nous conduit à quitter cette quête extérieure, pour descendre dans les profondeurs : « Je ne sais plus qui je suis, je m’ennuie dans mon boulot, je ne trouve plus de sens dans ma vie de couple…».
La recherche d’un état d’être plus complet, plus authentique. Un alignement des besoins qui réside encore dans l’ombre d’une personnalité qui s’est construite dans un espace psychique que nous ne reconnaissons plus : la boîte est devenue trop petite. Ce mouvement intérieur est communément appelé crise de la quarantaine, mais que je préfère nommer comme appel Psyrituel !
La nécessité pour que, ce que j’appelle dans ma pratique de Thérapeute le Noyau Sain ou la Totalié de l'Être, que d’autres appellerons l’Âme, puisse remonter des profondeurs vers la lumière.
J’ai accompagné des patients qui avaient une belle réussite professionnelle, sociale, financière et familiale. Ils se réveillent un jour, avec un goût amer, des angoisses, des manques non identifiés, une sorte de vide intérieur incompréhensible qui les plongent dans un espace de confusion très inconfortable, prenant souvent le visage de la dépression. Voilà ce que C.G Jung disait de ce processus qu’il a nommé l’Individuation (Distinction d'un individu des autres de la même espèce ou du groupe de la société dont il fait partie; fait d'exister en tant qu'individu) : « C'est le sentiment que la vie a un sens plus vaste que la simple existence individuelle qui permet à l'homme de s'élever au-dessus du mécanisme qui le réduit à gagner et à dépenser. »
Pour ceux qui osent entreprendre ce voyage d’exploration intérieur, un nouveau champ des possibles s’ouvre alors à eux. C’est une période souvent très déstabilisante voir insécure, nécessitant l’accompagnement d’un professionnel expérimenté.
D’autres, choisissent des voix transverses qui peuvent les conduire vers une pauvreté existentielle durable, une vie au rabais, voir une dépression latente entrainant souvent toutes sortes de somatisations ou de graves maladies. Pour exemple, certaines maladies Auto-immunes, qui malgré de nombreuses recherches, restent inexpliquées.
Ce mouvement intérieur demande à ce que ce masque social, parfois devenu trop lourd et adhérant, puisse être dans un premier temps, vu et accepté. C’est une étape importante qui mettra en évidence que la personne n’est pas cette image sociale qui s’est construite au fil des années.
La carte n’étant pas le territoire, la proposition va être de descendre dans la matière, pour explorer les zones inconnues de son être, à la recherche de son trésor intérieur. C’est l’essence même de ce mouvement intérieur, qui sous cet angle ne peut plus être vu comme une dépression.
Le travail d’accompagnement résidera ensuite, à créer un espace entre ce masque et la personnalité première (celle d'avant tous les mécanismes d'adaptation) : s'en décoller ! C’est souvent dans cette phase du processus que les résistances émergent au grand jour : et pour cause ! Il n’est pas confortable de quitter quelque chose de connu, ce que nous avons construit, souvent par nécessité d’adaptation voir de suradaptation et qui représente notre zone de confort.
En prenant en compte l’Être dans sa totalité, la psychologie corporelle est une approche permettant de ne pas renforcer les résistances, mais plutôt de les considérer comme des alliées, l’idée étant de ne pas rajouter de la souffrance à la souffrance. Convertir cette force résistante en une puissance au service de la transformation : passer de l’ombre à la lumière. L’ombre ! Cette partie de nous qui se cache derrière le masque, doit être vu comme un espace intérieur qui est resté enfoui et souvent réprimé pour s’adapter à notre environnement.
J’invite régulièrement les consultants à la voir aussi comme un réservoir de leurs potentiels pour accéder à la totalité de leur Être.
Comme cette patiente qui a dû faire des études de juriste, sous l’injonction du père, qui ose aujourd’hui faire un CAP de pâtisseries et créer son salon de thé. Elle accède, à l’âge de 48 ans, à un rêve qu’elle n’a jamais pu exprimer de peur de ne plus être aimée, reconnue, voir rejetée… En se dissociant de son masque, et en laissant remonter ce qui était enfoui, elle s’autorise à mettre au grand jour une partie de ses aspirations profondes. Elle se tourne vers l’extérieur, mais de manière différente.
La difficulté de ce processus réside dans cette nécessité de renoncer sans se résigner. Renoncer à ce que cette image continue de mener la danse de notre vie. Sans se résigner, car un trésor demande à émerger : maintenant parceque dans 20 ans il sera trop tard !
Bien entendu cette étape de transition ne concerne pas exclusivement la sphère professionnelle. Elle touche aussi l’ensemble de notre vie relationnelle et amoureuse. Elle permet de nous réconcilier avec nous-même, trouver un espace de paix intérieure, oser nous montrer dans notre vulnérabilité et accéder à notre puissance intérieure. Atteindre notre totalité pour s’engager sur la voie inexorable de notre finitude. Offrir aux personnes que l’on aime une partie de notre Âme : les aimer mieux avant qu’il ne soit trop tard.
Daniel SOULA Psychothérapeute à Aix en Provence